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Illustratrice et autrice

Marianne est née au Venezuela. Elle arrive à Montréal à 7 ans, au lendemain de la crise du verglas. «Avec ma sœur, on trouvait ça tellement beau la neige et la glace ! Mes parents, eux, ont eu un gros doute à ce moment-là!», lance-t-elle en rigolant.


Sa sœur devient alors sa meilleure amie, le temps que toutes les deux apprennent le français en classe d’accueil à l’école. «Ma mère nous avait dit qu’on pouvait parler la langue qu’on voulait à l’extérieur de la maison. Mais chez nous, on parlait espagnol pour conserver notre langue maternelle. Ç’aurait été tellement dommage de la perdre! C’est un outil et une connexion à qui on est.»

Dans le cadre de ses études en design graphique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), elle travaille sur un projet personnel de livre: RACINE.

«Dès petite, les enfants me demandaient pourquoi je m’appelais Marianne et non Mariana. Ma mère m’a donc raconté qu’elle était née un 14 juillet, jour de la prise de la Bastille en France. Mon grand-père voulait lui donner le nom le plus français de la femme la plus française, la Marianne. Mais ma grand-mère l’a convaincu de plutôt la nommer d’après ses deux tantes, Maria et Liliana. Mon grand-père est décédé quand ma mère avait tout juste 7 ou 8 ans, alors depuis, elle s’était dit : la première fille que je vais avoir, je vais l’appeler Marianne en son honneur.

Quand moi j’ai appris ça à 4 ans, c’était Woouah! Il y a tellement d’histoires qui font qui je suis avant même que je sois née! Alors je voulais faire Racines pour parler de cet héritage familial, de toutes les valeurs qu’on porte en nous sans même le savoir. Nous qui sommes déménagés dans une province francophone, ça fait encore plus de sens!»

Ce livre est devenu un leporello édité chez Monsieur Ed, pour exprimer l’ampleur de la ligne du temps, de la filiation. C’est un objet d’art chargé d’émotions, qu’on s’approprie et qu’on associe à sa propre histoire.

Les projets qu’elle publie chez Monsieur Ed sont personnels.

«Mon processus de travail, c’est d’arriver avec les images en premier et ensuite d’ajouter du texte au besoin. Avec Toucania, je visualisais l’aventure, ce que qu’Amandine voyait, ce qu’elle découvrait, les animaux que je voulais illustrer. Je vois l’histoire dans ma tête comme si c’était un film silencieux. Pour le texte, Valérie Picard m’aide parce que je suis souvent déjà plongée dans les illustrations, en train de peindre.»

Dans les histoires de Marianne, la filiation est un thème prédominant, elle qui, petite, accompagnait sa mère à ses cours de modèles vivants à l’université, pour se pratiquer. «Je trouve que c’est intéressant quand on peut poursuivre ses rêves depuis qu’on est tout petit et en faire une histoire.»

On retrouve beaucoup d’elle à travers Arianne dans Le jardin invisible, inspiré du monde qu’elle s’était créé en visitant le jardin de sa grand-mère. L’imagination du lecteur y a libre cours. On y retrouve très peu de mots pour susciter l’introspection, encourager une autre perspective de la nature. «OK, ce qu’on voit, c’est une plante, mais une plante a aussi son propre univers!»

Rose et vert

Les teintes de Marianne sont chaudes et paisibles à la fois. Elle s’inspire du rouge (qui fait le rose) et du vert, des couleurs complémentaires. «Ce sont les couleurs les plus naturelles dans le monde, c’est ce qu’on voit quand on regarde dehors, le rouge est dans notre sang, notre peau. Ce sont des couleurs qui sont intuitivement très humaines.»

Les éditeurs autant francophones qu’anglophones l’approchent pour des projets variés. La plupart des livres qu’elle a illustrés sont disponibles dans les deux langues. Marianne Ferrer endosse sa multiculturalité avec fierté.

«C’est un cadeau, même si c’est parfois difficile d’être "trop" canadienne pour les Vénézuéliens, ou "trop" vénézuélienne pour certains Canadiens. Et mon mari est américain, alors je suis "trop" autre chose pour les Américains. Je ne peux pas nier qui je suis, j’aime mon histoire, j’aime qui je suis, tant d’identités à la fois.»

Et son travail l’illustre bien.

«La littérature peut servir à créer des liens entre les communautés, à aller vers les gens, à transmettre nos valeurs. C’est une des premières formes de culture qu’on reçoit dans nos vies. Nos pays ne sont pas monolithes. Ils se construisent avec les centaines de langues et de cultures des personnes qui viennent y vivre. On ne laisse pas derrière nous qui on est, on ajoute toujours pus à ce qu'on devient.»

Envie de vous évader vous aussi?

Partez à Barcelone avec Carmen et la maison sauvage,
le tout dernier album illustré par Marianne Ferrer et écrit par Susan Hughes.
Aventurez-vous entre ville et campagne, entre réalité et imagination,
et découvrez le travail de Gaudí à travers les yeux d’une petite fille et l’aquarelle de Marianne.

«Quand j’avais 20 ans, j’ai visité Barcelone avec ma famille, el parque Güell, la casa Battló. C’était au moment où je devenais une artiste professionnelle. De voir ce style d’architecture tellement déroutant, tellement unique et en même temps intégré dans la ville, ça m’a vraiment frappé. J’ai gardé cette émotion pendant très longtemps.

Alors quand j’ai reçu le manuscrit de Carmen, je ne pouvais pas refuser, même si j’avais déjà plusieurs autres projets en cours. C’était quelque chose qui m’appelait très personnellement. (Je n’ai pas beaucoup dormi pendant plusieurs mois !) Je ne voulais pas copier ce que j’avais vu ou ce que je peux voir dans les images de références. Je voulais vraiment voir les choses du point de vue de Gaudí. Me dire, tiens, ce sont les lignes qui font comme des serpents tellement ça bouge. Me concentrer sur les petits éléments, comme les champignons, sur les détails, bien les intégrer.

Je voulais rendre justice, non seulement à Gaudí, mais aussi au point de vue de cette petite fille qui est en train de vivre quelque chose de difficile : déménager. Je me souviens comment c’était difficile pour moi d’arriver au Canada. Mais ça finit toujours par être une belle aventure!»